Street Fighter II (Arcade)

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Tout a été dit sur ce jeu ? Vous savez tout ? Tant pis, j’en remet une couche !

 

Un sérieux héritage

La transition entre les années 80 et 90 se passe plutôt bien pour Capcom, en tous cas dans les salles d’arcade : son système CPS (Capcom Play System) est très performant et les nombreux titres de qualité qu’il propose font la joie des exploitants et des joueurs, avec des hits comme Ghouls ‘n Ghosts, 1941, Strider ou encore le cultissime Final Fight, qui a su, avec talent, battre Double Dragon sur son propre terrain, celui du beat’em all. On peut dire que l’éditeur a le vent en poupe et plutôt que de s’endormir sur ses lauriers, prendra le risque de tenter de transformer l’essai raté qu’était Street Fighter en lui concoctant une suite. Cette donc en 1991 que sort Street Fighter II – The World Warrior, soit 2 ans après après Final Fight et 4 ans après SF1. Si je fais autant de références à Final Fight, c’est tout simplement parce que ce dernier était originellement prévu pour être la suite direct de Street Fighter (il devait sortir sous le nom Street Fighter ’89). SF2 héritera donc du meilleur des deux titres, ce qui ne sera pas étranger à son succès.

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Un vrai choix de personnages

Pour ce qui est des bases, le jeu reprend le principe de son aîné : du versus fighting en 1 contre 1, à travers le monde. Grosse nouveauté, on peut choisir son combattant parmi 8 disponibles ! Final Fight avait déjà fait fort en proposant un choix de 3 personnages dans un genre où le héros était souvent imposé, Street Fighter II enfonce le clou en offrant un panel riche et varié où chacun trouvera son bonheur !

Ryu et Ken sont encore de la fête et disposent toujours de coups identiques. Leur utilité n’est cependant pas nulle : d’un point de vue pratique, ils permettent à 2 joueurs de s’affronter avec les mêmes coups (le match contre un adversaire identique n’étant pas possible). Du point de vue stratégie marketing de la part de Capcom, Ryu et Ken permettent aux joueurs des deux principaux pays où est distribué le jeu (Japon et USA) d’avoir leur champion local. Si les kimonos ne vous inspirent guère, pas de panique, l’un ou l’autre des 6 combattants restants saura sûrement vous séduire. Honneur aux dames avec la ravissante Chun-Li, originaire de Chine et premier amour virtuel de beaucoup de joueurs. Nous trouvons également Guile, soldat américain tout en muscles au style de combat bien pensé. Côté grands gaillards imposants, le jeu nous propose Honda le sumo japonais et Zangief le lutteur russe. Enfin, nous avons les monstres de foire que sont Dhalsim l’indou cracheur de feu aux membres extensibles et Blanka, un monstre vert brésilien, plus proche de la bête sauvage que du danseur de capoeira. Une assemblée très hétéroclyte donc, à laquelle il faut ajouter 4 bosses non-jouables : Balrog le boxeur américain, Vega le torero beau gosse et griffu venu d’Espagne, Sagat le boss de SF1 originaire de Thaïlande et M. Bison, grand méchant de service aux pouvoirs psychiques étonnants.

12 personnages charismatiques et originaux pour un jeu de castagne, c’est du jamais vu ! Et même si aucune histoire ne nous est contée au début du jeu (les pubs de l’époque parlent d’un tournoi mondial, sans autres précisions), chaque personnage a une motivation et une biographie propre, se dévoilant à travers une séquence de fin unique, si le joueur parvient à vaincre Bison. C’est devenu un standard de nos jours, mais développer à ce point des personnages de jeu vidéo d’action, c’est inédit en 1991. Le jeu offre un véritable background scénaristique, on sent que Capcom a porté énormément d’attention à son bébé et nous sommes loin d’être au bout de nos surprises !

Le déroulement du jeu est assez classique : vous devez simplement battre les 7 autres adversaires, puis les 4 bosses. Votre progression sera ponctuée de 3 stages bonus allant du cassage de voiture (oui, comme dans Final Fight !) à l’explosion de barils enflammés en passant pas la destruction de tonneaux de bois. Ces petites pauses défouloir sont très bien réalisées et permettent de souffler un peu entre deux combats intensifs. La difficulté est bien dosée contre le CPU et se dernier a le bon goût de ne pas être trop stupide (bien sûr, avec un peu d’habitude, vous trouverez toujours des techniques « sales » pour finir le jeu sans trop de soucis).

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Le saviez-vous ?

Petite anecdote, comme vous le savez peut-être, les noms de ces 4 bosses ont été modifiés entre les versions japonaises et occidentales de Street Fighter 2. En effet, pour éviter toute poursuite ou mauvais coup de la part de Mike Tyson, le boxeur du jeu, M. Bison est devenu Balrog, qui lui-même est devenu Vega, ce dernier prenant le nom de M. Bison aux USA et en Europe. Seul Sagat sera épargné par cet échange de patronymes. Au fil du temps, pour les besoins des compétitions internationales ou du netplay, les joueurs décidèrent d’éviter toute confusion en rebaptisant Vega/Balrog en « Claw », Bison/Vega en « Dictator » et Balrog/Bison en « Boxer ». En France, on utilise aussi souvent « Vega Griffe », « Vega Casquette » et « boxeur ». Dernière chose amusante en rapport aux noms : Capcom a officiellement démenti que Mike de SF1 était le même personnage que le M. Bison boxeur du second épisode. Très étrange alors qu’ils ont le même prénom (en tout cas en version japonaise) mais compréhensible pour éviter tout procès, toujours vis-à-vis de Mike Tyson.

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Punch dans la rétine

Visuellement, Street Fighter était une claque, ce second épisode est un gros uppercut ! L’intro du début ne paye pas de mine avec ses deux lascars même pas issus du jeu (seraient-ce Mike et Joe de SF1 ?) mais tout le reste a vraiment de la gueule. Qu’est-ce que c’est beau ! Les personnages, tout d’abord, sont grands (très grands dans cette version arcade) finement dessinés, expressifs et divinement animés. Même sans toucher aux commandes, ils sont perpétuellement en mouvement, respirants ou sautillants sur place, prêts à en découdre. Chaque mouvement est bien décomposé, chaque coup a sa propre dynamique et chaque sprite est un véritable travail d’orfèvre. Détail qui tue : selon le point d’impact et la force de vos coups, vous pourrez occasionnellement faire saigner ou vomir (si si !) votre adversaire ! La vitesse de jeu est bonne bien qu’un peu lente au regard d’un joueur actuel et de petits ralentis ponctuent certaines attaques spéciales qui font mouche ainsi que les coups de grâce.

Les décors ne sont pas en reste avec des environnements grandioses et colorés, issus des différentes parties du monde, souvent carte postale mais toujours bien réalisés. Ces derniers sont bourrés de détails et d’animation qui les rendent très vivants, à l’image de la foule, régulièrement présente, qui encourage nos combattants. Cerise sur le gâteau, ces arrières plans comportent des éléments destructibles comme des panneaux ou des barils (dont certains viennent tout droit de Final Fight) et propose un sol au scrolling parallaxe comprenant tellement de niveaux qu’il donne au premier plan une illusion de 3D de toute beauté ! Globalement, l’aspect visuel n’est pas sans rappelé le déjà très réussi Final Fight, avec encore plus de couleurs et une animation encore plus soignée. Le tout est d’une cohérence et d’une lisibilité exemplaire.

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Kick dans le tympan

Côté environnement sonore, un gouffre sépare Street Fighter II du précédent opus. Les compositions musicales sont inspirées, rythmées, entraînantes et donc réussies, certaines étant devenues cultes au fil des années comme celles de Guile ou de Ryu. Celles-ci s’accélèrent quand il ne reste plus beaucoup de vie à l’un des joueurs, ce qui contribue à la mise en scène impeccable et immersive. Toujours dans cette quête du détail et de la perfection, Capcom nous gratifie également de compositions propres pour les séquences de fin. Gadget en 1991, peut être, mais culte aujourd’hui !

Les bruitages font également un sans faute avec des impacts bien violents et des voix omniprésentes et propre à chaque personnage ponctuant le moindre coup spécial. On regrettera juste que celles-ci continuent même si le coup est avorté et que leur qualité n’est pas au top (ça crachotte un peu), mais compte tenu des contraintes sonores du matériel, c’était compliqué de faire mieux.

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La guerre des boutons

Abordons maintenant l’élément essentiel qui a fait que, 25 ans plus tard, le nom de Street Fighter 2 est encore dans l’esprit des joueur : le gameplay. Si le premier épisode avait su poser des bases intéressantes pour une jouabilité révolutionnaire, le second saura les exploiter au mieux tout en y ajoutant ses propres bonnes idées. On retrouve donc les 3 puissances de coups pour les poings et les pieds, soit 6 boutons au final. Il faut savoir que le connecteur universel des bornes d’arcade de l’époque (norme JAMMA) ne permettait pas de disposer d’autant de boutons. En plus de posséder un meuble avec 6 boutons physiques, il fallait donc y connecter le système à l’aide d’un connecteur supplémentaire (Kick Harness). Sans lui, impossible de donner des coups de pieds ! Une petite contrainte pour les exploitants qui désiraient installer SF2 dans une borne déjà existante, rapidement oubliée lors du calcul des recettes du jeu.

Bref, ces 6 boutons, associés aux 8 directions du stick, offrent un panel de coups gigantesque à utiliser judicieusement selon les circonstances. Aux coups de base, s’ajoutent des coups spéciaux qui se déclenchent suite à une combinaison de touches à base de quarts, demi ou cercles complets (quart de cercle vers l’avant et poing par exemple), de coups à charge (du genre bas 2 secondes, haut + pied) ou de bourrinage de bouton (appuyer de façon répétitive sur un bouton). Fort heureusement, ceux-ci sortent bien mieux que sur SF1 et, avec un tout petit peu d’entraînement, leur exécution devient très facile et spontanée. Grosse nouveauté, la possibilité de pouvoir projeter son adversaire lorsque l’on est au corps à corps en appuyant simplement sur un coup moyen ou grand tout en allant en avant ou en arrière. Simple, intuitif et parfait pour se dégager d’un combattant trop collant. Il est également possible de se protéger (debout ou accroupi) en maintenant le joystick en arrière. Ça, c’est pour le postulat de base, dans la pratique, le gameplay d’une richesse infinie et il est impossible de le résumer en quelques lignes !

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Vers l’infini et au-delà !

Certes, le but final est juste de mettre KO l’adversaire, mais à vous de choisir entre un coup fort mais lent, rapide mais faible ou encore moyen. L’allonge des différents coups n’est pas non plus la même selon le bouton utilisé et le personnage choisi. Par exemple, si Ryu ou Ken donnent un grand coup de poing lorsqu’ils sont accroupis, ils frapperont vers le haut, idéal pour toucher un adversaire en plein saut (anti-air). La protection quand à elle ne vous protège pas complètement contre tout. En effet, une garde accroupie vous rendra vulnérable aux attaques hautes alors qu’une garde debout laissera passer les balayettes. De plus, même en garde, vous recevrez quelques dégâts en parant un coup spécial. Parlons-en des coups spéciaux ! Ils sont au nombre de 2 à 3 par personnage et influent énormément la façon de jouer tel ou tel combattant. Prenons le cas de Guile, qui ne dispose que de coups à charge (maintenir arrière 2 seconde, avant + poing par exemple) : vous serez obligé d’anticiper chacun de vos coups spéciaux, ce qui vous contraindra à une attitude beaucoup plus défensive qu’avec un Ryu pouvant lâcher un dragon punch en un instant. Chaque personnage impose donc à son joueur un style de jeu propre, ce qui donne aux protagonistes une profondeur allant bien au delà du relief déjà creusé par son apparence et son histoire.

Ce gameplay d’une richesse inouïe posera les bases de tout une nouvelle genération de jeux de baston. On est plus du tout dans l’optique de bourriner bêtement un bouton pour taper celui d’en face. Dorénavant, les combats seront stratégiques et réfléchis, les personnages ne seront plus choisis pour leur belle gueule mais bien pour leurs capacités, leur compatibilité avec notre style de jeu ou ses chances de réussites face à un adversaire précis. C’est ainsi que naissent de nouvelles notions toujours exploitées en versus comme le pressing (acculer l’adversaire), le zoning (garder la distance), les reversals (contre-attaques), l’anti-jeu (user de techniques répétitives pour gagner) le match-up (rapport de force statistique entre deux personnages) ou encore le mind game (avoir une approche plus psychologique du match). Hé oui, Street Fighter II avait déjà tout ça dans le ventre, et ça reste assez hallucinant ! Même les combos sont de la partie, malgré qu’ils ne soient pas officiellement affichés ni optimisés (il paraîtrait qu’ils n’étaient pas volontairement programmés… difficile à croire au milieu de tant de précision).

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Chipotons un peu…

Les quelques petites faiblesses de ce superbe gameplay se trouvent au niveau de la gestion des dégâts et de l’équilibrage. Les dégâts infligés par les coups de base sont plutôt justes avec assez de marge entre les différentes puissance de frappe pour justifier la présence de 6 boutons, et ça c’est un bon point ! Là où les choses se gâtent, c’est lorsque l’on voit la quantité de vie perdue suite à une chope ! Ces coups étant relativement facile à placer et très simples à exécuter (souvent de façon fortuite), on a du mal à comprendre ce qui peut justifier tant de violence. Dans le même esprit, un coup spécial porté en contre-attaque d’un autre peut faire descendre une moitié de barre de vie (essayez le Dragon Punch dans la boule de Blanka par exemple…). Ok, c’est gratifiant, mais n’est-ce pas un peu abusé ? D’autant plus que le Dragon Punch a cette fâcheuse tendance à être prioritaire sur tous les autres coups du jeu, rendant Ryu et Ken grandement avantagés, ce qui occasionne un léger déséquilibre du casting.

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Alors, bien ou bien ?

Je ne serai pas original en affirmant que Street Fighter 2 est exceptionnel. Hormis quelques erreurs de jeunesse comme la présence de quelques coups trop puissants et quelques illustrations perfectibles (sur les portraits et les endings), difficile de reprocher quelque chose à ce titre, surtout si on le resitue dans son contexte temporel. Tout est là : personnages variés et attachants, graphismes sublimes, musiques mémorables, jouabilité à la richesse incroyable et durée de vie infinie.

Riche de l’expérience de Street Fighter et de Final Fight, Capcom a su jeter un énorme pavé dans la marre des jeux d’arcade. Celui-ci servira de pierre fondatrice à tout une nouvelle génération de jeux de combats. Enorme succès critique et commercial, SF2 détient toujours le record de vente de bornes, il favorisera le développement et la prospérité de l’arcade dans les années 90 (mais aussi des bootlegs, ces copies pirates !) et se verra adapté sur de nombreux supports, notamment sur Super Nintendo, ce qui participera aussi au succès de la console (voir l’excellent article de SM sur les adaptations de Street Fighter). Souvent copié, rarement égalé, Street Fighter 2 conserve, même 25 ans après sa sortie, une aura d’une intensité remarquable. Ce n’est pas un hasard si le jeu (enfin, surtout ses évolutions) est encore joué aujourd’hui, à la fois dans les salons et en championnats.

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La note du gros JYP : 5etoiles

 

Légende

Novateur et quasi-parfait, SF2 était obligé de marquer les esprits !

 

Ma vidéo de Gameplay sur 1 credit :

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Commentaires: 2 commentaires

2 réactions sur “Street Fighter II (Arcade)”

  1. psychogore dit :

    perso, j’aurais tendance à dire que ken est meilleur que Ryu dans cet episode World Warrior. Pourquoi ? Sa choppe pied permet d’amener tres vite l’adversaire dans le coin en maintenant une distance raisonnable, là où celle de Ryu permet seulement d’eloigner l’adversaire…

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