Street Fighter (Arcade)

Dur dur d’être le petit frère d’une légende ! Faisons abstractions quelques minutes de son glorieux ainé et voyons ce que Street Fighter 1 a dans le ventre.

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Soif de baston

1987, le jeu vidéo est en pleine mutation : les consoles de salon se démocratisent et apportent de nouveaux genres aux joueurs. En arcade, on tente tant bien que mal à attirer ces derniers hors de leur salon en diversifiant l’offre et en proposant des jeux toujours plus aboutis techniquement. Ras le bol les shoot’em up dont les salles de jeux ont été saturées, les éditeurs explorent alors des genres, pour le moment, peu représentés comme le beat’em all (Kung-Fu master, Renegade) et le versus fighting (Yie Ar Kung-Fu). C’est cette dernière piste que va vouloir exploiter Capcom, déjà bien implanté dans le monde de l’arcade avec des hits comme 1942 ou Ghost’n Goblins.

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Voyage voyage !

Le principe de Street Fighter est simple : vous êtes un karatéka parcourant le globe pour affronter les meilleurs combattants de rue. Hélas, vous ne pouvez pas choisir le combattant que vous incarnez : Ryu sera assigné au joueur 1 et Ken au joueur 2, mais leurs coups sont parfaitement identiques. Dès le début du jeu en solo, vous pourrez choisir entre 4 pays : Japon, Chine, Angleterre et USA auxquels s’ajoutera un cinquième, la Thaïlande. On retrouve là le côté « World Warrior » qui sera encore plus exploité dans la suite que nous connaissons. Dans chaque pays, vous aurez 2 adversaires à battre, au look et au style de combat propres. Le dernier adversaire n’est autre que Sagat, grand champion de Muay Thai, bien connu des joueurs de la saga. Nous voici donc avec 11 personnages (12 si l’on compte Ken) dont seulement 1 est jouable. Cela peut paraître frustrant aujourd’hui mais c’était tout à fait normal à l’époque où il n’y avait en général qu’un héros par jeu.

Petite pause anecdotes. Nous retrouvons dans ce jeu pas mal de personnages qui seront réutilisés dans ses suites : Birdie, Gen et Adon dans la série Alpha, Eagle dans Capcom vs SNK 2 et Sagat dans toute la saga excepté SF III. Même si Capcom ne l’avoue pas officiellement, de peur de se faire croquer l’oreille, Mike n’est autre que M. Bison (Balrog en Europe et aux US), la carricature de Mike Tyson. Quand à Joe, il semblerait que ce soit lui que l’on retrouve dans l’intro arcade et Megadrive de SF2. J’avais dit que je ferais abstraction de SF2 ? …Oops, désolé, c’est plus fort que moi !

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Sois beau et tais-toi

Visuellement, à sa sortie, le jeu est une claque : les sprites sont énormes, les décors sont superbes, colorés et chaque personnage a son style à lui. Il y a fort à parier qu’à l’époque, la borne devait attirer tous les regards. Malheureusement, dès que ça bouge, le tableau est un peu plus mitigé : l’animation des combattants est un peu raide, les déplacement saccadés et les sauts n’obéissent à aucune loi physique !

Côté sonore, c’est également en demi-teinte avec des musiques peu inspirées et agaçantes, des bruitages qui oscillent entre correct (les coups) et irritants (les bips bips) et des voix digitalisées très présentes, qui contribuent à l’ambiance et la vie du jeu, mais dont le timbre ridicule gâche tous les effets (je ne sais toujours pas si c’est un synthétiseur vocal ou un japonais parlant anglais avec un affreux accent !).

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Une borne punching ball

Avant d’aborder le coeur même de Street Fighter, à savoir sa jouabilité, un petit rappel historique sur la conception même de la borne s’impose. Street Fighter est sorti en arcade sous deux formes. La première était une grosse borne dotée, pour chacun des deux joueurs, d’un joystick classique et deux deux énormes boutons analogiques sensibles à la pression. 1 bouton rouge était dédié aux poings, l’autre en bleu déclenchait les coups de pieds. Plus le joueur frappait fort sur un bouton, plus le coup était puissant, mais lent. A l’inverse, une petite pichenette déclenchait un coup rapide mais faible en force. Ces boutons « mechatronics » permettaient donc de répercuter directement la force de frappe du joueur dans celle du personnage ! Niveau immersion, il faut avouer que c’est une excellente idée. Malheureusement, les bornes équipées de ce système furent rapidement maltraitées par certains joueurs qui n’hésitaient pas à se mettre debout sur la planche de boutons afin de défoncer ceux-ci à coups de pieds pour obtenir plus de points… Ce type de borne fut donc rapidement détruit ou retiré des salles et remplacé par la version avec boutons classiques. A cette époque, les jeux n’utilisent au maximum que 4 boutons, ce qui est trop peu aux yeux de Capcom pour retranscrire les différents niveaux de puissance qu’il était possible d’obtenir avec les boutons mechatronics. C’est donc sur un panneau à 6 boutons que sortira Street Fighter, avec 3 niveaux de puissances pour le poing, et autant pour le pied.

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Jouabilité et pénibilité

Avec autant de boutons à notre disposition, on s’attend à une palette de coups impressionnante et un gameplay d’une grande profondeur. Oui mais… non ! Certes, Ryu peut effectuer un bon nombre de coups de poing et de pieds (debout, accroupi, en saut, forts, rapides, balayettes, etc.), ce qui ne s’est jamais vu auparavant mais l’animation saccadée et les hitbox fantaisistes ne permettent jamais d’exploiter cette profusion de coups ! En effet, entre les coups du CPU qui partent à la vitesse de l’éclair, les sauts qui atterrissent n’importe où, les coups qui ne portent pas plus loin que votre nez et ceux qui touchent de beaucoup trop loin, dur de mettre en place la moindre stratégie ! Il suffit de regarder des vidéos du jeu pour voir à quel point chaque match n’est qu’un énorme cafouillage où les combattants misent plus sur le hasard que sur leurs réflexes pour toucher l’autre.

Heureusement, il y a les coups spéciaux ! Chose étonnante avec le recul, les trois coups spéciaux de Ryu sont présents et s’effectuent déjà avec des manipulations à base de quarts de cercles… en tout cas théoriquement ! Dans la pratique, c’est beaucoup plus complexe car la boule de feu, par exemple, ne sort qu’une fois sur deux, au mieux ! Lorsque, par miracle, un coup spécial parvient à sortir, il dévaste tout sur son passage ! Si ils font mouche, ils retirent tout simplement la moitié de la vie de votre adversaire, rien que ça ! On en vient donc à miser tous ses combats sur les coups speciaux et on bourre comme des ânes les quarts de cercles et les poings, en espérant que ça sorte. Le pire, c’est que ça marche ! Les combats deviennent alors d’un ennui mortel, parfois torchés en 5 secondes si les coups spéciaux veulent bien sortir, mais souvent fastidieux et peu agréable à regarder. A noter qu’un effet de ralenti (ou de ralentissement ?) vient ponctuer chaque impact d’hadoken, chose qui sera elle aussi réutilisée dans SF2. Là encore, il est ici assez mal géré puisque beaucoup trop lent pour ne pas gâcher le peu de rythme des combats. Dommage !

Globalement, le terme qui résume le mieux le gameplay de ce Street Fighter est « approximatif ». Des déplacements aux coups spéciaux en passant par les impacts, la garde et les sauts, tout est du domaine de l’ « à peu près », ce qui rend le jeu très peu agréable à pratiquer et donc pas vraiment fun.

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Portaches

Street Fighter fut adapté sur les supports en vogue à son époque : Amiga, Atari ST, Amstrad CPC, PC (sous Dos),Commodore 64, ZX Spectrum et PC-Engine CD (sous le nom de Fighting Street). Hormis cette dernière version plutôt fidèle à l’arcade, les différents portages se contentent du strict minimum et n’hésitent pas à supprimer les coups spéciaux, certains décors et même la majorité des coups de base, adaptant la jouabilité à un seul bouton ! Et c’est là que l’on se rend compte que l’idée des 6 boutons était très mal exploitée en arcade puisque les sensations de jeu resteront assez proches, même sur un Atari ST avec un joystick bouton unique ! Bref, même sans être mémorable, la version arcade survole largement ses adaptations qui ne marqueront pas les esprits.

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Faux départ !

Street Fighter a fait le pari audacieux de donner un coup de jeune à un genre alors peu représenté : le versus fighting. Presque tous les ingrédients de la recette du succès sont là : gros sprites, 3 niveaux de puissance pour les coups de poings et de pieds, des coups spéciaux, des personnages charismatiques venus des 4 coins du globe et des bonus stage (seules les chopes manquent encore à l’appel). Malheureusement, l’absence d’un gameplay correct ne permet pas d’exploiter toutes ces bonnes idées et rend la recette indigeste ! Aujourd’hui, Street Fighter n’attise les curiosités que comme préquel d’une légende du jeu vidéo et il y a fort à parier que sous un autre nom, le jeu aurait sombré dans l’oubli total.

Street Fighter loupe donc le coche pour cette fois, en 1987, et c’est sur un jeu sorti juste un mois plus tôt que les joueurs du monde entier préféreront dépenser leur monnaie : Double Dragon. Ce dernier s’impose rapidement comme la référence du beat’em all et rendra alors le genre très populaire, à tel point que d’autres éditeurs s’engouffreront dans la brèche et dépasseront même le modèle, à l’image de Capcom et d’un certain Final Fight. Mais ça, c’est une autre histoire !

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La note du gros JYP : 1etoile

 

Brouillon

Brouillon de SF2 certes, mais surtout très brouillon dans son gameplay et dans ses tentatives d’inovation.

 

Ma vidéo de Gameplay sur 1 credit :

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